LIRE ET RELIRE ET TOUJOURS AUTANT DE BONHEUR
JEANNE BENAMEUR - Les demeurées
La mère, La Varienne, c'est l'idiote du village. La petite, c'est Luce. Quelque chose en elle s'est arrêté. Pourtant, à deux, elles forment un bloc d'amour. Invincible. L'école menace cette fusion. L'institutrice, Mademoiselle Solange, veut arracher l'enfant à l'ignorance, car le savoir est obligatoire. Mais peut-on franchir indemne le seuil de ce monde.
L'art de l'épure, quintessence d'émotion, tel est le secret des Demeurées. Jeanne Benameur, en dentellière, pose les mots avec une infinie pudeur et ceux-ci viennent se nouer dans la gorge."
J'ai recopié ce qui figure sur la 4ème de couverture (de l'éditeur ou de l'auteure ?), c'est exactement ce que l'on ressent à la lecture du livre, et je n'aurais pu l'exprimer aussi bien.
A la première lecture, il y a un an, le style m'a quelque peu dérouté au début : quelques phrases courtes, sans verbe, mais après avoir lu plusieurs fois ces passages, on "prend le rythme", on le comprend, c'est "l'art de l'épure", "la quintessence" de l'émotion, que l'on partage avec Luce, La Varienne, Mademoiselle Solange et même le boulanger.
Les mots, et par conséquent les émotions "viennent se nouer dans la gorge", au moment où on comprend le secret de Luce et de La Varienne, au moment où on voit le combat que se livre Mademoiselle Solange, au moment où Luce enfin ........
Les trois personnages, en fin de compte, se livrent chacun un combat.
La varienne, qui vit en autarcie sentimentale avec sa fille, complètement perdue lorsque la petite se rend à l’école, et qui ne vit que dans l’attente du retour de sa fille.
Luce, qui tombe gravement malade, le jour où elle découvre, qu’en plus d’un prénom, elle possède un nom, elle que tout le monde a toujours appelé Luce, et qui sent confusément qu’une des clés du problème est là ; qui ne veut pas perturber sa mère, ni rien changer à la tranquille vie qu’elles se sont fabriquées, mais qui a soif cependant de connaissance.
Solange enfin, l’institutrice, qui cherche par tous les moyens, qui jusqu'à présent lui permettaient d’aider ses élèves même les plus difficiles, à éduquer Luce, mais se heurte à un mur.
Lors de ma deuxième lecture, je me suis plus attachée au style, et à ce sujet je voudrais évoquer les descriptions si justes, si sensibles, si délicates des rapports mère-fille, des gestes d’intimité qui leurs permettent de se dire leur amour sans presque se parler.
La description de la demeure de Luce et de sa mère, des si pénibles heures que l’écolière passe en classe, des carrés de baptiste que la petite brode, est tout autant extraordinaire.
A lire et à relire ce petit opus de 81 pages !