HISTOIRE D'UNE PASSION
Jacqueline HARPMAN - La plage d'Ostende
"Dès que je le vis, je sus que Léopold Wiesbeck m'appartiendrait. J'avais onze ans, il en avait vingt-cinq à Je lus ma vie sur son visage et d'un instant à l'autre, je devins une femme à l'expérience millénaire." Annexée à l'âge de l'innocence par un amour sans pitié qui durera sa vie entière, Emilienne attend son heure, elle la prépare, Féroce et naïve, elle ne reculera devant rien pour gagner Léopold et créer avec lui "cette zone de silence qui nous isolait, où nous étions seuls à pouvoir séjourner, ce royaume que nos regards définissaient". Mais on ne fait pas les grandes histoires d'amour avec de bons sentiments ; au passage, quelques existences seront sacrifiées au bonheur des amants. C'est le prix à payer, comme le constate avec un peu de regrets, mais sans remords, Emilienne désespérée après la mort de Léopold. Autour de ce couple irréductible se déploie, de l'après-guerre à nos jours, toute une société bourgeoise amie des arts, futile, éphémère et tragique comme le temps qui passe. Entre le cheminement de l'absolu amoureux et les raffinements d'une société où tout se calcule,
J’ai, de loin, préféré La dormition des amants. Histoire également d’une passion.
Bien que le style me plaise beaucoup, bien que l’étude des personnages (et pas seulement les principaux) soit un des points forts de ce récit, bien que la passion d’Émilienne pour cet homme soit admirablement décrite, certaines choses m’ont gênée.
Tout d’abord la jeunesse de l’héroïne, qui décide, à 11 ans, irradiée par Léopold, qu’elle se fera aimer de lui. Peut-on, à cet âge, aujourd’hui, décrété que sa vie ne sera QUE vouée à l’amour d’un être, ou ne sera pas ? Même plus mature que son âge, j’ai du mal à concevoir qu’une fillette puisse, dès cette fulgurance, planifier les années à venir à organiser sa vie pour que cet homme « tombe dans ses filets ».
Ce qui m’a déplu également (bien qu’il semble difficile qu’il en soit autrement), c’est le nombre de victimes, femmes ou hommes, qui jalonnent la route de ce couple : l’épouse de Léopold, le mari d’Émilienne, quelques unes des maitresses du peintre qui sombrent dans la folie ou se droguent de médicaments, le seul autre amant de l’héroïne, et surtout Esther, la fille d’Émilienne.
Je n’ai pas aimé non plus ce milieu futile, superficiel, où les femmes « se consacrent jusqu’au bout à ce qui avait peuplé leur vie, la dérisoire parade de la mondanité, le raffinement absurde des gestes et des paroles, héroïnes courageuses de rien du tout, passagères dociles d’une traversée incompréhensible qui commence par un cri et se termine dans le silence. »
Merci cependant à Doriane de m’avoir offert ce roman, dont on parle souvent dans la blogosphère.